Nous franchissons à nouveau le col du Somport, j’ai l’avantage de connaitre déjà le chemin mais je ne m’arrêterais pas dans cette usine désaffectée prés de la barrière canadienne ; j’irais tout de même la photographier comme pour conjurer le sort.
-T’inquiète pas Nes, on n’essaiera plus jamais de traverser une barrière canadienne, c’est promis. Nous établissons notre camp à la nuit tombée à Canfran Estacion et le lendemain je rencontre à Villanua un cavalier, Batiste, originaire d’Uzès dans le Gard avec sa chienne Zita, très belle Patou des Pyrénées.
La jument est d’origine Islandaise et quant Batiste m’apprend qu’elle s’appelle Source je réalise que je la connais, drôle de hasard, et en effet, Batiste confirme qu’il la acheté à Emile B. chez qui j’ai suivi un stage de bâtage très enrichissant.
Lorsque j’ai dessellé Nestellios, une coupure était apparue sur le garrot et à nouveau j’ai décidé de rentrer afin de trouver une solution. Les soins jusqu’à présent consistaient à lui appliquer de la pommade Osmogel pour l’inflammation mais ce n’était plus suffisant, nous lui avons mis un cataplasme d’argile pour la nuit et le lendemain après avoir renouvelé les soins nous avons pris le chemin du col du Somport.
Le chemin de Compostelle nous a réservé encore trois surprises problématiques, un arbre qui barrait le chemin à Nestellios (il toise 1m62 au garrot) mais qui n’a pas arrêté Source qui doit mesurer environ 1m 50 (ça change tout !), il a fallut se frayer un chemin en contre bas et par chance à cet endroit il n’y avait pas d’à-pic sur le torrent ; puis un passage sous la voie rapide dont le plafond devait mesurer à peine 1m20… passage obligé sur la voie rapide à la sortie d’un tunnel avec franchissement des barrières de sécurité qui heureusement étaient inclinées au niveau du tunnel…
Mais la cerise sur le gâteau c’était notre chemin qui aboutissait après plusieurs kilomètres sur un barrage hydroélectrique d’une vingtaine de mètres de hauteur avec une jolie volées de marches d’escalier de seulement 60 cm de large suivi d’un angle à 45° qui débouchait sur une belle passerelle de bois … Comment un Cheval qui mesure plus de 2m de long pourrait-il après avoir monté les marches (de 60cm de large), tourner à 45° sans que sa croupe tombe dans le vide? Après plusieurs tentatives infructueuses durant les quelles, à tour de rôle les chevaux devaient se demander si on était tombé sur la tête, nous avons pris le parti de traverser le torrent à cheval pour gagner l’autre berge. D’une pierre deux coup le sort continuait à s’acharner bien que le plus horrible n’arriva pas, je veux dire que le barrage ne laissa pas échapper des tonnes d’eau comme les nombreux panneaux signalaient cette fort probable éventualité par un dessin très explicite qui montrait la petite tête désespérée d’un homme imprudent, un bras tendu vers le ciel, espérant sans doute un sauvetage bien illusoire conte tenu de la caractéristique des lieux qui je vous le rappelle étaient surplombé par ce bel ouvrage d’art…
Je rentre dans le torrent et tout à coup mes deux rennes se cassent, croyez vous que Nestellios aurait traversé d’instinct le torrent ? He non ! Sans doute avait il en tête de fuir au plus vite et de s’éloigner le plus possible de la grosse masse grise qu’on ne quittait pas des yeux. N’étant plus maitre des commandes je sautais dans l’eau claire en ce beau mois de novembre, charmé par ces belles montagnes aux sommets enneigées, de l’eau jusqu’à la taille je gagnais la berge opposée mais le remblai était infranchissable malgré les tentatives de Nestellios.
Finalement nous avons retraversé et à force de grands cris d’encouragement, de battage de sol à coup de branchage, les chevaux en grands maîtres ont sauté dès les premières marches, directement sur la passerelle. Je salut au passage source qui à montré l’exemple et Batiste sans qui à hue et à dia, aucun cheval n’aurait pris la passerelle !
Alors ce qu’il faut en tirer comme leçon c’est qu’en montagne tous les chemins, même de Compostelle, ne sont pas toujours pour les chevaux et parfois il vaut mieux emprunter la route quand on ne s’est pas assuré que ça passait. Et puis traverser un torrent en aval d’un barrage, ça ne sert à rien et c’est trop dangereux.
Zita, chienne Patou des Pyrénées
Villanua, Espagne
Batiste et Source qui rentrent d'Espagne
Repsol, station d'essence
Le chemin passe sous la voie rapide mais les chevaux sont trop grands
Le fameux barrage
Les chevaux sont passés par là